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Au musée La Piscine à Roubaix, un aperçu de l’oeuvre de William Morris (1834-1896)

Affiche expo WIlliam Morris Musée La Piscine Roubaix
Photo Musée La Piscine

Fin 2022, le musée La Piscine à Roubaix a consacré une exposition à l’œuvre de William Morris, artiste précurseur et initiateur du mouvement Arts and Crafts. Une première en France ! Et l’occasion de découvrir ce musée étonnant.

Cela fait plusieurs années que j’entends parler du musée La Piscine à Roubaix, l’institution culturelle du nord de la France qui a fêté ses 20 ans en grande pompe en 2021. Quand j’ai vu l’annonce de l’exposition consacrée à l’artiste britannique William Morris (1834-1896), j’ai su que c’était enfin le moment pour moi d’aller à Roubaix. Et je n’ai pas été déçue ! 

musée La Piscine Roubaix
La Piscine, une belle entrée en matière @S. Patel De Zorzi

C’est au fantastique Victoria and Albert Museum de Londres que j’ai découvert l’œuvre de William Morris. Initiateur du mouvement anglais Arts and Crafts, qui inspirera le mouvement Art nouveau au début du XXe siècle, il voulait redonner leurs lettres de noblesses aux arts décoratifs, les mettre au même rang que les arts dit ‘nobles’. Après des études de théologie à Oxford où il se lie d’amitié avec Edward Burne-Jones, puis une formation en architecture et en peinture, William Morris décide de se consacrer à une carrière artistique.

Poète, écrivain, peintre, architecte, créateur de meubles, designer textile et de papiers peints, éditeur, créateur de caractères typographiques : il sera tout cela à la fois. Militant, il a aussi été un des créateurs de la Socialist League en 1884 et prônait la revalorisation de l’artisanat d’art et des savoir-faire qui étaient alors en train de disparaître face à l’industrialisation croissante.

« Palais de l’art »

Avec son ami Edward Burne-Jones, peintre préraphaélite, ils partageaient la même passion pour la culture celte et l’art du Moyen Âge, dont ils se sont tous deux inspirés. Les préraphaélites rejetaient les canons bourgeois de l’ère victorienne pour revenir à l’esthétique des peintes italiens du XVe siècle, avant Raphaël, et rendre à l’art une fonction morale. La famille Burne-Jones envisage même de venir vivre dans la Red House, une villa de briques rouges dessinée et construite par William Morris avec son ami architecte Philip Webb à l’est de Londres, qu’il pense agrandir, mais le décès d’un de leurs enfants balaye le projet.

Dans l’exposition à La Piscine, la première consacrée à William Morris en France, une salle est dédiée à cette Red House, qualifiée de « Palais de l’art », dont le couple Morris et leurs amis préraphaélites assurèrent l’aménagement et la décoration, les peintures murales, les meubles, les broderies, les vitraux, le carrelage, travaillant comme les confréries médiévales. Chaque salle permet d’ailleurs de constater à quel point William Morris était un artiste multiple et polyvalent.

La jeune fille et la mort M. Stokes décoration murale William Morris
La jeune fille et la mort, de Marianne Stokes, et partie d’une décoration murale signée William Morris, vers 1880 @ S. Patel De Zorzi
Buffet P. Webb Morris and Co
Buffet dessiné par P. Webb pour Morris and Co, vers 1880 @RMN-Grand Palais /Gérard Blot

Amour pour la nature

Personnellement, ce sont surtout ses motifs floraux incroyablement détaillés qui me captivent. Tels ses motifs de papier peint, le foisonnant ‘(The) Pimpernel’ (Le Mouron) ou le délicat ‘Norwich’, qui donnent l’impression de plonger dans les détails d’une végétation réelle : vivifiant ! Il paraît que le jeune William Morris a passé beaucoup de temps dans la forêt d’Epping, près de la propriété de ses parents, où il a pu à loisir observer la nature et ses habitants. De santé fragile, il était encouragé à passer du temps en plein air, quitte à négliger ses études. C’est sans doute à cette époque qu’il développa un grand respect et un amour pour la nature qu’on ressent dans ses motifs.

The Pimpernel papier peint William Morris
The Pimpernel, papier peint dessiné par W. Morris, vers 1876 © Les Arts Décoratifs/Jean Tholance
William Morris papier peint
Norwich, papier peint créé́ et édité́ par W. Morris, fabriqué en 1889 @Victoria and Albert Museum

Par ses multiples talents et pratiques artistiques, William Morris me fait penser à Gaudi (1852-1926), dont on admire toujours la Sagrada Familia, le parc Güell et de nombreux immeubles à Barcelone, qui fut également un grand créateur maîtrisant les techniques de la céramique, de la verrerie, de la ferronnerie. En Espagne, Gaudi fut le fer de lance de l’Art nouveau, qui privilégie les lignes courbes et les motifs naturels, et qui doit beaucoup au mouvement Arts and Crafts.

William Morris papier peint
Fruits, papier peint créé́ en 1865 par W. Morris @Victoria and Albert Museum
Brother Rabbit William Morris Liberty of London
Brother Rabbit, dessiné par William Morris certainement pour Liberty of London, coton imprimé, 1882 @S. Patel De Zorzi

La Piscine, le lieu idéal

Quand on sait que William Morris prônait l’amélioration des conditions de vie des ouvriers par l’éducation, les loisirs, et notamment l’apprentissage des arts appliqués, et qu’il était un défenseur du patrimoine, il semble évident que La Piscine de Roubaix est le lieu idéal pour exposer son œuvre.

Inauguré en 1932, l’établissement de bains est une idée du maire socialiste de l’époque Jean Lebas, dans le cadre de sa politique d’amélioration du cadre de vie des 125 000 habitants de la ville, dont une importante population ouvrière travaillant notamment dans l’industrie textile. De style Art déco, il est bâti sur le modèle d’une abbaye cistercienne : il est composé de quatre ailes autour d’un jardin. Aux extrémités, des vitraux en éventail évoquent le lever et le coucher du soleil.

musée La Piscine Roubaix grand bassin
Le grand bassin et un des deux vitraux à ses extrémités @ S. Patel De Zorzi

Ce n’est pas seulement un grand bassin olympique, mais aussi des salles de bain individuelles dans les étages, des salons de manucure et de coiffure, des bains de vapeur, un solarium. Il devient l’établissement de bains de tous les Roubaisiens, toutes les classes sociales s’y rencontrent. Mais la piscine doit fermer en 1985 pour raisons de sécurité. Le chlore utilisé pour la désinfection de l’eau a rongé la voûte, qui menace de s’effondrer. En 1989, il est décidé de la convertir en musée consacré aux arts appliqués et beaux-arts des 19e et 20e siècles. C’est Jean-Paul Philippon, l’architecte qui a transformé la gare d’Orsay en musée, qui remporte le concours d’architecture. Le chantier démarre en 1998 et le musée ouvre en 2001.

Succès et agrandissement

Le succès est immédiat : la piscine transformée a gardé son âme, les Roubaisiens s’approprient le lieu et les visiteurs affluent. Au rez-de-chaussée, les beaux-arts avec des espaces variés, des salles tout en longueur, de petites pièces, et les sculptures sont exposées autour du grand bassin. A l’étage, les arts appliqués s’approprient les anciennes cabines de douche et les vestiaires.  

La collection se développe, il faut envisager un agrandissement. C’est de nouveau Jean Paul Philippon qui remporte le concours d’architecture, la deuxième tranche de travaux est harmonieuse et le musée gagne une surface supplémentaire de 1 600 mètres carrés. Le centre névralgique de l’ensemble reste le grand bassin, paré à une extrémité du monumental portail en grès créé en 1913 par Alexandre Sandier pour l’Exposition internationale de Gand.

musée La Piscine Roubaix
Le jardin à l'entrée du musée @ Soraya Patel De Zorzi

William Morris m’a donc fourni l’occasion tant attendue d’aller enfin explorer La Piscine de Roubaix et d’apprécier ses trésors artistiques. Je sais que j’y retournerai, car les collections du musée sont riches et recèlent encore des œuvres que je n’ai pas eu le temps de voir. A la différence du Louvre-Lens ou du Centre Pompidou-Metz, autres musées situés en province qui ont été dotés de collections importantes, La Piscine s’inscrit dans l’histoire de la ville et ses murs de briques sont aussi une part de son cachet et de sa richesse.    

Cet article a 2 commentaires

  1. admin9958

    Merci, Monica !
    La Piscine est effectivement un beau musée et un lieu agréable.
    Et merci de partager cette phrase de William Morris, qui était effectivement plutôt en avance sur son temps…

  2. Monica Maurel

    J’ai beaucoup aimé découvrir La Piscine de Roubaix et y retrouver William Morris, celui qui disait : « Have nothing in your houses that is not either beautiful or useful », phrase tout à fait dans l’actualité minimaliste.
    Merci, Soraya!

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