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Le Petit Palais, l’art à la portée de tous dans un écrin 1900

Petit Palais Paris
Photo S. Patel De Zorzi

On peut aller au Petit Palais à Paris pour voir une exposition et passer à côté de son décor soigné, de son jardin intérieur et de son café agréable en toutes saisons. Et de ses riches collections permanentes, pourtant accessibles gratuitement. Avec tous ces atouts, le Petit Palais est devenu pour moi une halte indispensable dans l’agitation parisienne. Je vous emmène à sa découverte.  

Construit, avec le Grand Palais et le pont Alexandre III voisins, pour l’Exposition universelle de 1900, le Petit Palais devient en 1902 le Musée des beaux-arts de la ville de Paris. Pendant plus de vingt ans, de nombreux peintres, sculpteurs, vitraillistes, mosaïstes seront mis à contribution pour la décoration de ce nouveau temple de l’art. La révolution que connaissent les arts autour de 1900, avec le triomphe de l’Art nouveau, imprègnent ce décor où rien n’est laissé au hasard.

Petit Palais Paris mosaïques au sol
Détail du pavement de mosaïques @S. Patel De Zorzi

Aujourd’hui encore, on peut admirer la coupole retraçant l’histoire de l’art français peinte par Maurice Denis, les panneaux d’inspiration symboliste du vestibule d’entrée, les mosaïques qui ornent les sols, le péristyle du jardin rythmé de fresques illustrant les saisons, les grandes galeries de sculptures.

En face, le pharaonique Grand Palais semble une immense bâtisse sans âme – même si le Petit Palais est lui aussi monumental.

Proportions harmonieuses

Ouvert sur l’extérieur, clair à l’intérieur, avec, dans certaines galeries, de grandes baies vitrées qui laissent entrer la lumière, le Petit Palais est accueillant. Il est monumental mais pas écrasant, ses proportions sont harmonieuses.

Avec son jardin intérieur et son café élégant, c’est un endroit délicieux, agréable en toute saison, notamment aux beaux jours où l’on peut y profiter du soleil. 

Petit Palais Paris
La galerie des sculptures du Petit Palais @S. Patel De Zorzi
Petit Palais Paris Terrasse du café
Terrasse du café @ S. Patel De Zorzi

Chefs d'oeuvres

Portrait de Sarah Bernhardt Gerorges Clairin Petit Palais Paris
Portrait de Sarah Bernhardt par Gerorges Clairin @S. Patel De Zorzi

Parmi les chefs d’œuvres qui sont exposés en permanence au Petit Palais, j’aime particulièrement le grand portrait de Sarah Bernhardt peint par Georges Clairin en 1876. La magnifique exposition « Sarah Bernhardt – Et la femme créa la star » organisée par ce musée en 2023 m’a permis d’en savoir plus sur celle qu’on prénommait « La Divine ». Et qui inspira à Jean Cocteau l’expression « monstre sacré ». Actrice renommée, elle était aussi peintre et sculptrice, et sut utiliser son image pour faire sa publicité.

On a pu voir dans cette exposition les nombreuses affiches que l’artiste Alphonse Mucha a créées pour elle.

Dans un tout autre style, il ne faut pas manquer Soleil couchant sur la Seine à Lavacourt, effet d’hiver de Claude Monet (1880). Ce tableau est très proche du fameux Impression soleil levant, exposé pour la première fois en 1874 et qui donna son nom au mouvement impressionniste.

Soleil couchant sur la Seine à Lavacourt, effet d’hiver Claude Monet
Soleil couchant sur la Seine à Lavacourt, effet d’hiver, Claude Monet, 1880 @S. Patel De Zorzi

On peut aussi y admirer des toiles de Gustave Courbet, dont Les Demoiselles des bords de la Seine (été) peint en 1857 et Le Sommeil, peint en 1866. Évoquant le repos de deux femmes nues enlacées, ce tableau a été commandé au peintre par le diplomate ottoman Khalil Bey, qui lui aurait aussi commandé L’Origine du monde, autre toile qui fit scandale, qu’on peut voir désormais au Musée d’Orsay.

Voyage dans le temps

Paul Cézanne Ambroise Vollard Petit Palais Paris
Portrait d’Ambroise Vollard, Paul Cézanne, 1899 © Paris Musées - Petit Palais

Autres incontournables pour les amateurs de Paul Cézanne : Trois baigneuses (peint entre 1879 et 1882) et le remarquable Portrait d’Ambroise Vollard (1899), premier portrait peint par Cézanne, qui nécessita une centaine de séances de pose.

Mais les collections du Petit Palais ne se cantonnent pas au 19e siècle et aux années 1900, elles rassemblent également des antiques des mondes grec et romain, des icônes de l’Orient chrétien, des œuvres du Moyen Age, de la Renaissance, des 17e et 18e siècles. Un vrai voyage dans le temps.

Parmi les expositions que j’ai appréciées au petit Palais ces dernières années, celle consacrée notamment à Ambroise Vollard en 2021 (« Edition limitée – Vollard, Petiet et l’estampe de maîtres ») m’a captivée. On y découvrait le rôle capital joué par le marchand d’art né en 1866 à La Réunion dans l’édition d’estampes et de livres illustrés par Bonnard, Picasso, Maillol, Chagall… C’est la première fois que je voyais des œuvres gravées et des peintures d’Aristide Maillol (1861-1944), dont je connaissais jusqu’alors seulement les sculptures, vues à Paris après une visite dans sa ville de Banyuls-sur-Mer. Une sacrée découverte !

La Vague Aristide Maillol
La Vague, Aristide Maillol, estampe, 1895-1898 © Paris Musées - Petit Palais
La Vague Aristide Maillol
La Vague, A. Maillol, huile sur toile, vers 1898 @ S. Patel De Zorzi

Oscar Wilde, les impressionnistes à Londres

En 2017, j’ai couru voir l’exposition consacrée à « Oscar Wilde – L’impertinent absolu », auteur génial et dandy magnifique, que les mœurs puritaines de son époque ont condamné à la déchéance et à une mort prématurée.

C’était la première grande exposition consacrée au célèbre écrivain en France, retraçant sa vie et son œuvre et rassemblant plus de 200 documents, dont certains inédits. Je me souviens, à la fin de l’exposition, du poignant témoignage filmé de son petit-fils, Merlin Holland.

En 2018, « Les Impressionnistes à Londres – Artistes français en exil, 1870-1904 » m’a permis d’en savoir plus sur les artistes français réfugiés en Angleterre après la guerre franco-allemande de 1870 et la Commune.

Oscar Wilde
Portrait d’Oscar Wilde par Napoleon Sarony, 1882@Bibliothèque du Congrès, Washington

Et de découvrir l’œuvre du peintre James Tissot, qui rencontra beaucoup de succès en adaptant son style au public londonien.

Parmi les expositions plus anciennes du Petit Palais qui m’ont marquée, il y a bien sûr « Paris 1900 – La ville spectacle » en 2014 où j’ai retrouvé les œuvres du Tchèque Alfons Mucha, les fameuses affiches de Toulouse Lautrec, les toiles de Degas, Renoir, Pissarro, Vuillard… Une exposition qui ne pouvait se tenir qu’au Petit Palais, dont le décor est exactement de la même époque.

Pierre Roche et Loïe Fuller

Statuette Loïe Fuller Petit Palais Paris
Loïe Fuller Statuette, Pierre Roche, vers 1901, bronze @Musée des Arts décoratifs

Récemment, j’ai aussi eu l’occasion d’y découvrir l’œuvre de Pierre Roche (1855-19022), artiste Art nouveau, grâce au don par sa petite-fille et son arrière-petite-fille de plus de 4 000 pièces de son atelier. Peintre, sculpteur, graveur tombé dans l’oubli, Pierre Roche était l’ami de la danseuse américaine Loïe Fuller (1862-1928), connue pour les voilages qu’elle faisait tourner autour d’elle et ses mises en scène utilisant la lumière. Pierre Roche a immortalisé la danseuse.

Ses estampes et ses sculptures ornaient le musée-théâtre de Loïe Fuller construit pour l’Exposition universelle de 1900. Une de ses statuettes virevoltantes peut être contemplée en ce moment au Petit Palais. Étonnant comme l’artiste a su saisir le mouvement, le restituer et le figer dans le bronze.

S’il s’attache principalement à l’art des années 1900, le Petit Palais est un musée qui ne s’enferme pas dans le carcan d’une époque révolue. Il invite régulièrement des artistes contemporains.

Jean-Michel Othoniel et le « Théorème de Narcisse »

Fin 2021, les œuvres de Jean-Michel Othoniel, dont certaines créées pour l’occasion sur le thème du « Théorème de Narcisse », se mariaient parfaitement au cadre. Les sculptures faites d’éléments en verre de Murano, dialoguant avec le décor du Petit Palais et son jardin, en ont fait pendant quelques semaines le musée le plus instagrammable de Paris !

Petit Palais Paris Jean-Michel Othoniel Couronne de la nuit
Couronne de la nuit, Jean-Michel Othoniel @S. Patel De Zorzi

On peut encore voir aujourd’hui la Couronne de la nuit, devenue l’ornement permanent d’une des cages d’escalier monumentale. Ces installations, comme les collections permanentes du musée, étaient accessibles gratuitement

Petit Palais Paris Jean-Michel Othoniel
Escalier du Petit Palais La Rivière bleue, Jean-Michel Othoniel @S. Patel De Zorzi

Des musées ou des expositions dont l’entrée n’est pas payante : cela me fait penser à Madame Lambert, excellente et exigeante professeur de français au Lycée La Bourdonnais à Maurice à la fin des années 80, qui disait : « La culture, c’est gratuit ».

Petit Palais Paris Jean-Michel Othoniel
Lotus dorés et lotus noir et or, Jean-Michel Othoniel @S. Patel De Zorzi

Culture gratuite

Lycéenne à Maurice à cette époque, je n’étais pas du tout convaincue par cette affirmation, je ne comprenais même pas qu’elle puisse être formulée … Je pense que Madame Lambert faisait référence notamment aux bibliothèques et médiathèques publiques où l’on peut emprunter des livres, des disques et des films sans contrepartie sonnante et trébuchante, aux expositions dans certains lieux en France (mais pas à Maurice).

L’assertion prend tout son sens aujourd’hui, avec les nombreux contenus et œuvres accessibles librement et légalement sur internet.

Mais la gratuité de la culture se discute. Les artistes et les acteurs du monde de la culture doivent, selon moi, pouvoir gagner leur vie décemment. Certains pays ont la volonté et les moyens de rendre l’accès à la culture gratuit : c’est le cas de la France. Dans l’exposition sur l’égyptologue Jean-François Champollion que j’ai vue récemment à la BNF, une notice rappelait la volonté de la Révolution française de rendre publiques les « collections d’art, antiques et modernes, saisies aux souverains et à l’aristocratie. ». C’est ainsi que naît la notion de musée public en France, le premier sera le Louvre (malheureusement plus du tout gratuit aujourd’hui).

Petit Palais Paris Jean-Michel Othoniel
Oeuvres de Jean-Michel Othoniel au Petit Palais @S. Patel De Zorzi
Petit Palais Paris Jean-Michel Othoniel
Oeuvres de Jean-Michel Othoniel au Petit Palais @S. Patel De Zorzi

Rendre les musées publics gratuits, cela peut se faire grâce aux impôts payés par les contribuables et les entreprises français. Donc on ne peut pas vraiment dire que c’est totalement gratuit pour tous celles et ceux qui payent des impôts en France. La culture représente 0 ,5% du budget de l’État français en 2022. Mais il y a des années que l’État a délégué aux collectivités territoriales l’essentiel du financement des établissements culturels publics, ce qui ne va pas sans poser de problèmes dans certaines régions où le politique joue les trouble-fête.  

Exception culturelle

L’exception culturelle française, au nom de laquelle l’État subventionne depuis de nombreuses années le spectacle vivant, le cinéma, l’édition, connaît des évolutions différentes selon les secteurs. Ces dernières années, l’éducation artistique et culturelle des jeunes est devenue une priorité, notamment avec la mise en place du Pass Jeunes. L’accès à la culture sous toutes ses formes et le développement de pratiques artistiques, l’éducation aux médias et à l’information sont les principaux axes qui devraient être développés.   

Petit Palais Paris Jean-Michel Othoniel
Oeuvres de Jean-Michel Othoniel au Petit Palais @S. Patel De Zorzi

La culture doit continuer à être à la portée de tous, sur tout le territoire français. Si les musées sont généralement l’apanage des villes, il me semble important que des lieux culturels accessibles existent et vivent aussi à la campagne et contribuent à ce vivre ensemble indispensable pour faire société.

Petit Palais Paris Jean-Michel Othoniel
Oeuvres de Jean-Michel Othoniel au Petit Palais @S. Patel De Zorzi

A Paris, la plupart des musées sont gratuits pour les moins de 26 ans, mais seuls les musées gérés par la Ville sont accessibles gratuitement à tous, du moins leurs collections permanentes : le Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, la Maison de Balzac, les Musée Bourdelle, Carnavalet, Cernuschi, Cognacq-Jay, la Maison de Victor Hugo, le Musée de la Vie Romantique et le Petit Palais. Espérons qu’ils le resteront longtemps, et que le Petit Palais continuera à offrir à tous cette pause de culture et de calme au sein de la capitale trépidante !

Cet article a 2 commentaires

  1. Nicole Pougheon

    Bravo !
    Merci pour ce blog extraordinaire, original et très personnel qui semble s’adresser à chacun de nous
    Super photos et plein d’infos et invitations aux voyages dans le temps et l’espace
    Quel oeil sensible et quel partage
    J’en suis pour cet après midi restée au Petit Palais que je connais mais vois maintenant différemment et me promets de retrouver très vite !
    Hâte de poursuivre toutes les nouvelles flâneries proposées …

    1. admin9958

      Merci pour tous ces compliments !
      Des invitations aux voyages dans le temps et l’espace : c’est une très belle formule.
      A très bientôt pour d’autres balades inspirées.

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